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samedi 7 décembre 2013

Analyse des rejets de radionucléides dans l'atmosphère

Une étude du CEA sur les rejets de l'accident de Fukushima

D’après G. LE PETIT - P. ACHIM - G. DOUYSSET - P. GROSS - M. MONFORT - C. MOULIN 
du CEA-DAM Île-de-France.

Le 11 mars 2011, la côte Est du Japon est frappée par un séisme de magnitude exceptionnelle qui conduit à un tsunami majeur, puis à l'accident de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi.
Quatre réacteurs sur six subissent des dommages irrémédiables entre le 12 et 15 mars 2011,
principalement engendrés par des explosions d’hydrogène (unités 1, 2 et 3) et d’un feu affectant la piscine de refroidissement des éléments combustibles de l’unité 4. Dans les jours qui suivent, les stations aérosols et gaz rares du réseau de surveillance de l’Otice (Organisation du traité d'interdiction complète des essais nucléaires) mettent en évidence la présence de produits de fission dans l'atmosphère. Les données issues de ces stations, reçues au CND (Centre National de Données) situé à Bruyères-le-Châtel, sont particulièrement précieuses pour renseigner sur les chronologies de rejets et évaluer les niveaux de remise à l'atmosphère de la radioactivité. Plus spécifiquement, les stations de surveillance aérosols et gaz rares localisées à Takasaki, à environ 100 km au Nord-Ouest de Tokyo (japon), permettent de fournir un diagnostic sur l’état des réacteurs.
Les stations de surveillance Otice de Takasaki sont parmi les premières stations touchées par un rejet radioactif de Fukushima. La figure 1 montre les produits de fission volatils (131I, 132I, 133I, 134Cs, 137Cs, 129mTe, 131mTe et 132Te) mesurés à partir d'un prélèvement d'air de 23 000 m3 acquis sur 24 heures du 13 mars au 14 mars 2011 à Takasaki. 


Les niveaux d'activité volumique mesurés sont de l'ordre de 3 500 Bq/ma pour 1311 et de 400 Bq/m3 pour le 137Cs. Dans les jours qui suivent, les mesures des prélèvements aérosols réalisés à Takasaki mettent en évidence la présence d'un panel de radionucléides élargi. L'un de ces prélèvements, acquis du 22 mars au 23 mars 2011 par la station aérosol de Takasaki, est expertisé par les laboratoires du Département analyse surveillance de l'environnement (DASE) du CEA/DAM. L'analyse met en évidence, outre les produits de fission (110mAg, 140Ba, 136Cs, 137Cs, 131I, 132I, 140La, 99Mo, 95Nb, 86Rb, 125Sb, 127mTe,
129Te, l29mTe, 132Te) et d'activation (134Cs, 113Sn) volatils ou semi-volatils, la présence dans l'atmosphère d'éléments peu volatils, 95Nb et 103Ru, sous forme de traces (activités volumiques, respectivement de 3.0.10‘ et 5.0.10‘ Bq/m3).
 En s'appuyant sur les travaux issus des programmes de simulation d'accidents graves de
réacteurs (VERCORS, PHEBUS [1]) conduits par le CEA (Direction de l'énergie nucléaire) et par l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire IRSN), les concentrations en produits de fission mesurées par spectrométrie d'émission gamma par le DASE, permettent de conclure à un état de fusion avancée des cœurs des réacteurs comme origine des rejets de produits de fission à l'atmosphère, et d'invalider le dénoyautage de la piscine de stockage de l'unité 4 (548 assemblages de haute activité étaient en cours de refroidissement durant les trois mois précédant l'accident). En effet. le rapport 131I /137Cs, mesuré dans les prélèvements atmosphériques, se révèle consistant avec celui correspondant à l'inventaire des cœurs
des réacteurs de Fukushima au moment de leurs arrêts. Par ailleurs, la mise en évidence d'une faible signature 113Sn (4,7.l0-5 Bq/m3) dans l'air, produit d'activation formé par la réaction l12Sn(n,ɤ)113Sn au sein des gaines de combustible (constitué d‘un alliage en Zircalloy composé principalement de zirconium associé à 1.5 % d'étain), implique une température minimale de 1 800°C correspondant à la fusion des gaines. La non-détection du 95Zr, usuellement en filiation radioactive avec le 95Nb. Dans les prélèvements liés à l'accident de Fukushima est conforme aux résultats obtenus par les expériences CEA/IRSN qui ont montré que cet élément réfractaire était très peu relâché, même dans le cas d'un cœur de réacteur très dégradé.
 Une autre évidence de l'état de dégradation des réacteurs de la centrale de Fukushima est apportée par la détection des isotopes radioactifs du xénon (133Xe et 131mXe) par les stations de surveillance gaz rares de l'Otice localisées dans l'hémisphère Nord. Des simulations du transport atmosphérique restituant les activités volumiques mesurées aux stations, conduisent à estimer que 80 % du xénon radioactif correspondant à l'inventaire des cœurs de réacteurs est relâché dans l'atmosphère par les différents rejets. Ces travaux permettent aussi d'évaluer la chronologie des rejets et d'estimer les niveaux de radioactivité émis dans l'atmosphère. Ils suggèrent que les principales émissions atmosphériques ont eu lieu le 14 mars 2011 (explosion du réacteur n° 2) et qu'aucun rejet majeur n'a eu lieu après le 23 mars. En accord avec les observations des stations du réseau international de surveillance de l'Otice. les simulations montrent que l'Europe est atteinte dans les deux semaines qui suivent le tsunami. et qu'en moins de trois semaines la totalité de l'hémisphère Nord est affectée (figure 2).

Les termes sources déterminés pour l'iode 131 et le césium l37 montrent que les rejets atmos-
phériques totaux consécutifs de l'accident de Fukushima Daiichi pourraient représenter environ 10 % de ceux issus de l'accident de Tchernobyl. Compte tenu des faibles niveaux d'activité détectés en France et en Europe, l'impact radiologique, sur 1a population de ces pays, de l'accident survenu à la centrale nucléaire de Fukushima est négligeable.

[1] J'ai travaillé à la mise en place de cette installation de simulation en 1996-1997





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